À moins de 24 heures du début d’une série de débrayages des employés de la fonction publique cette semaine, le ministre du Travail du Québec, Jean Boulet, annonce la nomination d’un conciliateur pour tenter de dénouer l’impasse qui persiste depuis des mois à la table de négociations.
Peu de temps après que le Front commun des syndicats a demandé l’intervention d’un conciliateur dans le dossier, en début de matinée, le ministre Boulet a annoncé sur son compte X la nomination d’un conciliateur pour en arriver le plus rapidement possible à une entente négociée avec les syndicats du Front commun
. Mathieu Lebrun s’est vu octroyer ce mandat.
Une demande envers laquelle la présidente du Conseil du Trésor, Sonia LeBel, chargée de négocier le renouvellement des conventions collectives, s’est montrée ouverte. Pour nous, tout ce qui peut favoriser les échanges est le bienvenu
, a-t-elle assuré sur les ondes d’ICI RDI, dans les minutes qui ont suivi l’annonce de son collègue.
Quand on parle de faire cheminer les gens, moi, je vais prendre toutes les mesures pour le faire.
Rapidement, la FTQ a réagi en soulignant qu’un conciliateur ne pourra pas aborder les questions de salaire ni de retraite. D’après la centrale syndicale, en vertu du Code du travail, un conciliateur ne peut jouer qu’un rôle passif pour faciliter la communication ente les parties et faire rapport ensuite au ministre du Travail si ce dernier en fait la demande. Un conciliateur n’a pas de pouvoir de recommandation en soi.
Minuit moins une
Il faut dire qu’il est minuit moins une pour les employés de l’État et le gouvernement Legault, alors que trois grèves doivent être déclenchées cette semaine au Québec.
Le premier débrayage, qui s’échelonnera de mardi à vendredi, soit du 21 au 23 novembre, sera celui du Front commun, qui regroupe la CSN, l’APTS, la CSQ et la FTQ et qui représente ensemble 420 000 employés du gouvernement.
Cette grève de trois jours touchera les établissements de santé, de services sociaux, ainsi que les écoles et les cégeps.
Jeudi, la Fédération interprofessionnelle de la santé (FIQ), qui compte 80 000 infirmières et professionnelles en soins, se joindra au mouvement en débrayant les 23 et 24 novembre.
Du côté des enseignants, 66 000 membres de la Fédération autonome de l’enseignement (FAE) déclencheront une grève générale illimitée à compter de jeudi (23 novembre).
L’impasse persiste
Pendant ce temps, l’impasse persiste à la table de négociations, malgré l’ajout de trois jours de pourparlers entre le gouvernement et les syndicats cette semaine.

Après plus d’une année de négociations infructueuses, des centaines de milliers d’employés du gouvernement du Québec ont lancé un premier débrayage de 24 heures le 6 novembre dernier.
Photo : The Canadian Press / Christinne Muschi
Interrogée ce matin sur les ondes d’ICI RDI, la présidente de la CSN, Caroline Senneville, a affirmé que les syndiqués sont très déterminés à améliorer leurs conditions de travail et qu’un règlement est toujours possible d’ici les Fêtes, mais qu’il y a beaucoup de travail à faire
.
J’en ai fait des grèves, mais je n’ai jamais senti ce que j’ai senti sur la ligne de piquetage le 6 novembre. Nos votes sont sortis à 95 %
, a souligné Mme Senneville.
La première décision qu’on prend quand on fait la grève, c’est qu’on se prive de salaire
, a-t-elle rappelé.
Ce vote de grève là, c’est un appel au secours. C’est nos membres qui nous disent : « On n’en peut juste plus. Faut qu’il se passe quelque chose. »
Sonia LeBel exaspérée
De l’autre côté de la table de négociations, la présidente du Conseil du Trésor, Sonia LeBel, dénonce la rigidité des syndicats qui refusent catégoriquement depuis des mois, selon elle, d’amender leurs revendications pour trouver un terrain d’entente.

Sonia LeBel est présidente du Conseil du Trésor du gouvernement du Québec. (Photo d’archives)
Photo : La Presse canadienne / Jacques Boissinot
On ne peut pas se contenter […] dans une négociation de dire : « Non! Moi, c’est ça que je veux ou rien du tout. » Ce n’est pas comme ça que ça fonctionne
, a martelé la ministre sur les ondes d’ICI Première.
Les salaires, c’est sûr que c’est important. Mais même là-dessus, ils n’ont pas bougé de leurs positions depuis octobre 2022 et j’ai trois ou quatre positions différentes devant moi.
En ce qui a trait à l’organisation du travail, elle appelle les syndicats à faire preuve de réalisme notamment en ce qui a trait à la pénurie de main-d’œuvre qui plombe le secteur public québécois.
Il est, selon Mme LeBel, impossible d’alléger immédiatement les ratios d’élèves dans les classes, faute de nouveaux enseignants. Je n’en ai pas d’enseignants à fournir, a-t-elle répété. Il faut qu’on trouve des solutions.
Dans le système de la santé, c’est 24 heures sur 24, sept jours sur sept. […] Mon collègue en santé s’arrache les cheveux pour savoir comment on va faire pour avoir des infirmières la nuit, les fins de semaine, le soir dans les services névralgiques comme aux urgences
, a-t-elle fait remarquer.
Pour remédier au problème, Québec offre des primes supplémentaires pour le personnel à horaires défavorables. Quelle est la réponse de la FIQ? « Bien, tu dois donner la même chose à tout le monde… »
a-t-elle illustré.
Si je priorise tout le monde, je ne priorise personne. Alors, je leur dis : « expliquez-moi comment je fais alors pour remplir ces quarts défavorables? » Absence de réponse.
Si le fait de mettre huit milliards sur la table d’argent récurrent des citoyens du Québec n’est pas une offre […] bien, je ne sais pas c’est quoi.
À quelques jours d’une grève générale illimitée à la FAE

Les membres affiliés à la Fédération autonome des enseignants lors d’une manifestation devant l’Assemblée nationale. (Photo d’archives)
Photo : Radio-Canada
Présidente de la Fédération autonome des enseignants (FAE), Mélanie Hubert juge improbable
que la grève générale illimitée prévue pour jeudi soit évitée. Croire qu’un règlement pourrait intervenir en si peu de temps n’est pas réaliste
, a-t-elle convenu ce matin en entrevue à l’émission D’abord l’info sur ICI RDI.
Soit, des problèmes existent, mais pour les régler, le gouvernement du Québec devra faire preuve d’ouverture d’esprit face aux remèdes proposés par les syndiqués, plaide Mme Hubert.
Peut-on s’asseoir, discuter de solutions, et peut-être renoncer de chaque côté à la solution qu’on voyait a priori pour arriver avec une nouvelle idée?
demande-t-elle.
La présidente de la FAE déplore, par exemple, que l’employeur ne veuille pas permettre au personnel enseignant de faire du télétravail pour exercer certaines activités de correction de travaux ou de planification de cours.
La FAE est la plus importante centrale syndicale dans le milieu de l’éducation. Ses membres sont concentrés dans les centres de services scolaires de Montréal, de Laval, des Basses-Laurentides, de l’Outaouais, de Québec et de la grande région de Granby.